Établissement privé catholique sous contrat d’association avec l’Etat

LA CHARTE ÉDUCATIVE ORATORIENNE

LA TRADITION ÉDUCATIVE ORATORIENNE

Préambule

L’Oratoire assure la tutelle de quatre établissements scolaires sous contrat d’association avec l’État. Établissements catholiques, ils s’inspirent de l’Évangile, adhèrent aux orientations de l’Église et entretiennent les relations appropriées avec les instances civiles. Ils s’inscrivent plus particulièrement dans une tradition éducative vécue par diverses figures de prêtres de l’Oratoire.

Pour celle-ci, il n’y a pas d’éducation sans une certaine idée de l’Homme. Attentive aux questions du temps et s’adressant aux jeunes d’aujourd’hui, cette tradition prend en compte le contexte d’une société plurielle à l’équilibre précaire. Il en découle des conséquences pratiques qui constituent un cahier des charges, contextualisé dans chaque établissement oratorien, à respecter par les enseignants et l’ensemble des personnels.

Les jeunes qui y sont accueillis, comme les familles qui les présentent, doivent être pleinement informées de ce qui constitue l’identité de l’établissement : Une parole publique, claire et cohérente aidera à former une véritable communauté éducative.

1.     Une conception de l’Homme

Pour Pierre de Bérulle (1575-1629), fondateur de l’Oratoire en France (1611), la condition humaine est placée sous le signe de l’énigme, de la complexité et de l’imperfection : « Régir une âme, c’est régir un monde, et un monde qui a plus de secrets et de diversités, plus de perfections et de raretés que le monde que nous voyons ».

Créé par Dieu, à son image et à sa ressemblance, l’Homme est appelé à se construire par la recherche du bien, du vrai et du beau. La dignité de la personne humaine appelle chacun à participer grâce au dépassement de soi, à la quête commune d’un bonheur pour tous. Renonçant à la satisfaction illusoire d’une multitude de désirs, comme à son seul épanouissement personnel, l’Homme peut accéder à l’expérience d’une authentique liberté.

Jésus-Christ incarne la figure d’une humanité accomplie, en même temps qu’il révèle la grandeur de la vocation humaine. À la lumière du Christ, chemin, vérité et vie (Jn 14, 6), l’Homme est ainsi appelé à une œuvre de développement intégral, de libération et d’unification de soi.

En conséquence, les établissements oratoriens dispensent une éducation, et pas seulement une instruction. En ce sens, tout enseignant est aussi éducateur. S’adressant à des jeunes qu’ils ne sauraient réduire à leurs résultats scolaires, les adultes des communautés éducatives ont comme premier objectif d’aider chacun à développer ce qu’il a de meilleur en lui, pour le mettre au service des autres et de la société. Fils ou fille de Dieu, chaque jeune est un sujet à éduquer en veillant à l’équilibre de toutes les dimensions de sa personnalité : physique, intellectuelle, psychologique, sociale et spirituelle. C’est dans cette perspective qu’est envisagée la pratique de l’évaluation : le savoir est une richesse intérieure avant d’être un moyen de réussite. Une attention particulière des éducateurs cherche comment répondre à l’échec, tout particulièrement l’échec scolaire.

Les établissements oratoriens développent les moyens permettant aux jeunes et aux adultes de développer l’intériorité, lieu de l’unité de la personne. Des activités scolaires et périscolaires développent l’imagination, le potentiel créatif et artistique, par lesquels s’expriment la recherche du sens, les interrogations du moment et l’estime de soi et des autres. Le scolaire et le périscolaire constituent un ensemble cohérent et intégré ; qu’ils soient enseignants ou cadres éducatifs, les éducateurs portent la préoccupation de l’un et de l’autre.

2.     Le respect de la personne

« Celui qui plante n’est rien, ni non plus celui qui arrose, seul compte celui qui donne la croissance, Dieu. » (1 Lettre aux Corinthiens 3, 7) L’éducateur aura une grande humilité pour ne jamais oublier la primauté de l’action divine dans le secret des cœurs. Avec bienveillance, il est appelé à respecter chacun dans son unicité, son originalité et sa complexité. Il s’adresse à une conscience à éveiller et éclairer. Éduquer un jeune, c’est reconnaître en lui une personne animée par une vocation spirituelle, c’est le vouloir libre et responsable.

En conséquence, les établissements oratoriens accueillent des jeunes d’origines socio-culturelles et de religions différentes. Chacun est pris en compte avec ses richesses, ses questions et ses difficultés. Chaque établissement veille à ce que l’accompagnement personnalisé favorise l’acquisition d’une véritable autonomie. Cette approche bienveillante ne tend cependant pas à évacuer les conflits, dont la prise en compte est nécessaire à l’acquisition d’une véritable autonomie par les jeunes.

Une attention particulière est donnée au respect de la personne dans le domaine religieux. La vie de foi, la vie en Église et la prière relèvent du libre choix des jeunes et de leur famille. Aux jeunes chrétiens, l’établissement proposera une formation catéchétique et la possibilité de célébrer les grands moments qui rythment la vie de l’Église.

Tout jeune peut acquérir une culture religieuse et développer la dimension spirituelle de sa personnalité sous la responsabilité pastorale du chef d’établissement. La diversité confessionnelle et religieuse est envisagée comme un atout pour développer le dialogue œcuménique et le dialogue interreligieux.

3.     Une attitude éducative

Cette attitude s’inspire de Saint Philippe Néri (1515-1595), fondateur de l’Oratoire en Italie, qui incarnait une figure de l’espérance chrétienne. En conjuguant la joie, la confiance et l’exigence de donner le meilleur de soi-même en puisant à la source de l‘Évangile, il cherchait à ouvrir les difficiles chemins de la liberté. L’Oratoire participe à la mission éducative de l’Église pour que ses établissements scolaires soient des lieux où les jeunes sont encouragés à être des acteurs inventifs. Ils seront ainsi préparés à devenir des citoyens responsables, plutôt que consommateurs dépendants de pratiques asservissantes.

Les éducateurs manifesteront une réelle capacité d’écoute et de dialogue : « Un enfant n’est la chose de personne. Il n’est pas question de le dominer et en le dominant de le façonner comme une matière ou de le dresser comme un animal. Il s’agit de le servir pour, en partant de ce qu’il est, et en suscitant ses énergies, l’aider à devenir ce qu’il doit être. » (Lucien Laberthonnière, 1860-1932) Les éducateurs favoriseront cet apprentissage du discernement les préparant aux réalités actuelles du monde et à son devenir, en recourant à tous les médias.

4.     Autorité et dialogue

Il n’est pas d’éducation sans exercice de l’autorité. Conçue non comme un droit mais comme un devoir au service de la croissance des personnes, la pratique de l’autorité vise à l’adhésion progressive des jeunes à leur propre éducation. Elle a recours au dialogue et à leur collaboration grâce auxquels les éducateurs les aideront à acquérir autonomie et responsabilité.

« L’école n’est pas seulement un lieu de transmission du savoir, mais un lieu de communication des consciences. » (Pierre Dabosville) Dans ce dialogue éducatif, les familles, les éducateurs et les jeunes peuvent s’enrichir mutuellement, dans une recherche de la vérité de leurs vies. En effet, chez Lucien Laberthonnière, l’éducation comporte une dimension de révélation de l’Homme à sa vocation propre : elle suppose une « sortie de soi » qui consiste à accueillir les affirmations contraires au siennes et à se laisser former par l’altérité. Grâce à une démarche de générosité par laquelle il sacrifie sa propre individualité, l’éducateur se met en situation d’éduquer au nom d’une fin commune qui le dépasse. Son être, plus que ses méthodes, oriente les jeunes vers une vie meilleure, délivrée des égoïsmes et ouverte à la bonté et à la justice.

5.     Une communauté éducative

Ce dialogue éducatif se vit dans le cadre d’une communauté, nécessaire à l’initiation à la vie sociale. Celle-ci doit aider chaque jeune à trouver son unité intérieure, à acquérir son autonomie de décision et à devenir pleinement responsable de lui-même, tout en restant solidaire des autres. À cet égard, il n’y a pas de vie commune sans respect des droits et des devoirs de chacun.

Les familles, enseignants, éducateurs et autres intervenants, les jeunes eux-mêmes, tous concernés par la tâche éducative, sont appelés à y participer ensemble. La tutelle apporte aux établissements de l’Oratoire les moyens appropriés (formation, rencontres, etc.) pour que les personnels réfléchissent ensemble à l’actualisation de sa tradition éducative. Afin d’actualiser et de développer leur compétence, cadres éducatifs et enseignants attachent une importance particulière à la formation continue.

Dans chaque établissement, tous les adultes s’efforcent d’être disponibles pour constituer une véritable communauté éducative, animée par l’Évangile et donnant du christianisme un visage dynamique et ouvert au dialogue. Il est souhaitable que des cadres et des enseignants participent à l’animation de la vie de foi et de sa transmission, ce qui implique une proportion suffisante de chrétiens dans l’encadrement. Responsable pastoral d’une communauté éducative, dont la diversité reflète celle de notre société, le chef d’établissement en est l’animateur. Il favorise l’intégration des multiples réalités pédagogiques, éducatives, administratives et financières composant la vie de son établissement, de sorte que « amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent » (Psaume 84).